Andrea de Nerciat

Publié le par Dolmancé

Monrose ou le Libertin par fatalité

« On rentre cependant : Nicette ferme la porte d’un air boudeur ; Mme de Moisimont s’approchant de moi continue : — Je viens, ma foi, de l’échapper belle. Cette Sapho voulait me donner du fil à retordre. Tubleu, comme il va ! Cette plainte amphibie, loin de m’instruire, contribuait à m’embarrasser. — Eh bien, oui, madame (repart avec feu l’égarée Nicette), je l’avouerai donc, puisque vous venez de le trahir, cet amour que vous devez être fière d’inspirer à notre sexe ! — Notre sexe, Nicette ! il y a bien quelque chose à redire là-dessus (Comme tout cela m’étonnait !) — Vous êtes bien française, madame, riposte l’agresseur. Une Italienne à qui j’en aurais dit autant qu’à vous, me ménagerait et ne me ferait pas rougir devant un étranger. — Un étranger, encore vous n’avez pas le sens commun, Nicette, le chevalier est mon amant, nous nous aimons à la folie.

« Je ne sais qui, de Nicette ou de moi, fut le plus assommé de cette indiscrétion gratuite. La virtuose furieuse frappe du pied, étend avec bruit ses bras élevés contre la muraille, et s’y colle la face. L’instant d’après, elle veut sortir brusquement, je m’y oppose, craignant que, dans un premier mouvement, elle ne fasse la folie de retourner à Paris, compromettre auprès de M. Moisimont son épouse étourdie. Je saisis Nicette avec les ménagements qu’on doit à ses amies ; nous lui parlons raison, enfin elle paraît entendre.

« Vous êtes bien bons, tous deux (dit-elle plus maîtresse d’elle-même et nous serrant les mains). Hélas ; voilà comme je suis, je ne sens rien à demi, la nature en m’accordant deux sexes, m’a départi double dose d’âme et trop de passion. Homme ou femme, j’en aurais trop de la moitié. Quand un climat ardent m’a vu naître, quand je ne jouis de l’existence qu’à de bien extraordinaires conditions, il serait cruel d’exiger de moi que je fusse à l’unisson de vos affections superficielles et vos badins usages. — Chevalier (interrompt pour lors la folle Mimi), d’après son propre aveu j’opine qu’on peut bien te mettre un peu plus dans la confidence ! Approche et juge par tes sens du prodige que tout à l’heure on m’a fait voir. — S’il me touche… (coupe tragiquement Nicette avec une expression menaçante).

« Je n’avais garde de me faire arracher les yeux. — Oh ! bien (répartit Mimi dont le rôle était différent du mien), si le chevalier est un homme délicat à l’excès, je suis femme ; et veux voir les choses de plus près à mes risques et périls. En même temps, elle se jette bon jeu, bon argent, aux jupes de Nicette. Soit amour, faiblesse, ou secret contentement après une faible résistance, cette créature équivoque laisse parvenir au but une main, à qui dès lors il est permis de fourrager.

— « Ce n’est point une plaisanterie (me dit après deux minutes l’intrépide visiteuse) elle a tout ! — Tant mieux pour elle (répondis-je assez tranquillement). Peu content d’ailleurs d’une diversion qui me semblait occuper trop mon amante, et retarder du moins l’heureux moment où je devais partager son lit. — Eh bien, ma chère Nicette (continue ma beauté) s’il est vrai que j’aie sur toi quelque empire et que tu participes à la galanterie du sexe dont je ne suis pas, j’ai le droit de te commander. À ton obéissance, on te reconnaîtra. J’exige que tu fasses voir au Chevalier ce que je viens de toucher. Songe que si tu refuses, je tiens désormais pour le plus insolent outrage cette exhibition de pièces que tu t’es permise au cabinet.

« L’essentielle qualité de Nicette n’était point la pudeur, l’occasion était belle de faire preuve d’amour. Elle se lève donc et livre sans scrupule à mes regards, une conformation bizarre, de nature en effet à dérouter un observateur. Cette amphibie, fort exercée sans doute à produire avantageusement des singularités qui n’étaient pas le moins adroit moyen de sa charlatanerie, serrait les cuisses avec quelque affectation, cette pression donnait à certain hochet à peu près imberbe et sans grelots, l’air de sortir d’un bourrelet dont les lèvres écartées du haut, vu le volume du cylindre, se réunissaient par le bas figurant (comme à l’attribut naturel du beau sexe) le seuil magique du centre des voluptés.

« J’espère qu’il va m’être permis de toucher, mais non ; Mimi seule aura ce privilège. On lui prend ce doigt qui chez les neuf dixièmes des femmes est particulièrement au fait de semblable local. Nicette promène à mes yeux ce doigt connaisseur, du haut en bas du sillon, et le fait heurter avec quelque prétention contre l’angle inférieur. En même temps l’autre caractère, quoique d’une consistance alors douteuse, exprime par quelques soulèvements masculins, la part qu’il prend lui-même à l’honneur de cette visite.

 

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